Graziella 5

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EPISODE

I

Je menais à Naples à peu près la même vie contemplative qu’à Rome chez le vieux peintre de la place d’Espagne ; seulement, au lieu de passer mes journées à errer parmi les débris de l’Antiquité, je les passais à errer ou sur les bords ou sur les flots du golfe de Naples. Je revenais le soir au vieux couvent où, grâce à l’hospitalité du parent de ma mère, j’habitais une petite cellule qui touchait aux toits, et dont le balcon, festonné de pots de fleurs et de plantes grimpantes, ouvrait sur la mer sur le Vésuve, sur Castellamare et sur Sorrente.

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Rita Chiliberti

Quand l’horizon du matin était limpide, je voyais briller la maison blanche du Tasse, suspendue comme un nid de cygne au sommet d’une falaise de rocher jaune, coupée à pic par les flots. Cette vue me ravissait. La lueur de cette maison brillait jusqu’au fond de mon âme. C’était comme un éclair de gloire qui étincelait de loin sur ma jeunesse et dans mon obscurité. Je me souvenais de cette scène homérique de la vie de ce grand homme, quand, sorti de prison, poursuivi par l’envie des petits et par la calomnie des grands, bafoué jusque dans son génie, sa seule richesse, il revient à Sorrente chercher un peu de repos, de tendresse ou de pitié, et que, déguisé en mendiant, il se présente à sa sœur pour tenter son cœur et voir si elle, au moins, reconnaîtra celui qu’elle a tant aimé.

« Elle le reconnaît à l’instant, dit le biographe naïf, malgré sa pâleur maladive, sa barbe blanchissante et son manteau déchiré. Elle se jette dans ses bras avec plus de tendresse et de miséricorde que si elle eût reconnu son frère sous les habits d’or des courtisans de Ferrare. Sa voix est étouffée longtemps par les sanglots ; elle presse son frère contre son cœur. Elle lui lave les pieds, elle lui apporte le manteau de son père, elle lui fait préparer un repas de fête. Mais ni l’un ni l’autre ne purent toucher aux mets qu’on avait servis, tant leurs cœurs étaient pleins de larmes ; et ils passèrent le jour à pleurer sans se rien dire, en regardant la mer et en se souvenant de leur enfance. »

II

Un jour, c’était au commencement de l’été, au moment où le golfe de Naples, bordé de ses collines, de ses maisons blanches, de ses rochers tapissés de vignes grimpantes et entourant sa mer plus bleue que son ciel, ressemble à une coupe de vert antique qui blanchit d’écume, et dont le lierre et le pampre festonnent les anses et les bords ; c’était la saison où les pêcheurs du Pausilippe, qui suspendent leur cabane à ses rochers et qui étendent leurs filets sur ses petites plages de sable fin, s’éloignent de la terre avec confiance et vont pêcher la nuit à deux ou trois lieues en mer jusque sous les falaises de Capri, de Procida, d’Ischia, et au milieu du golfe de Gaëte.

Quelques-uns portent avec eux des torches de résine, qu’ils allument pour tromper le poisson. Le poisson monte à la lueur croyant que c’est le crépuscule du jour. Un enfant, accroupi sur la proue de la barque, penche en silence la torche inclinée sur la vague, pendant que le pêcheur, plongeant de l’œil au fond de l’eau, cherche à apercevoir sa proie et à l’envelopper de son filet. Ces feux, rouges comme des foyers de fournaise, se reflètent en longs sillons ondoyants sur la nappe de la mer comme les longues traînées de lueurs qu’y projette le globe de la lune. L’ondoiement des vagues les fait osciller et en prolonge l’éblouissement de lame en lame aussi loin que la première vague les reflète aux vagues qui la suivent.

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